Idriss Aberkane, neuroscientifique, intervient dans « les Extraordinaires » (ce soir à 20 h 55 sur TF 1) où huit Français surdoués s’affrontent.
Propos recueillis par H.B. | 06 Mars 2015, 07h00 | MAJ : 06 Mars 2015, 08h56
« Les Extraordinaires », présenté par Christophe Dechavanne, promet des joutes que l’on a peu coutume de voir à la télévision. (TF 1/Frédéric Berthet.)
Professeur à l’Ecole centrale et chercheur à Polytechnique, Idriss Aberkane est ce soir sur le plateau de l’émission « les Extraordinaires » (TF 1, 20 h 55). Il y décrypte les incroyables performances des huit Français hors norme qui s’affrontent.
Qu’ont ces « extraordinaires » en plus ?
IDRISS ABERKANE.
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L’envie, la passion, l’obsession d’acquérir une capacité extraordinaire. Leur cerveau n’est pas différent du nôtre, mais ils l’utilisent différemment. Lofti, qui retient une centaine de visages, a énormément travaillé parce que, pour lui, c’est un jeu. Même les calculateurs prodiges, comme Alexis qui calcule la racine treizième d’un nombre à cent chiffres de tête en 3”50, ne sont pas nés avec ça, mais avec l’envie absolue de spatialiser les chiffres. Avant même de savoir parler, il manipulait des chiffres. Ils sont extraordinaires parce qu’ils ont atteint un nombre d’heures de pratique incroyable. Ce sont des athlètes.
Mais leur cerveau est-il quand même spécial ?
Notre cerveau à tous est complètement extraordinaire. On a étudié celui de Rüdiger Gamm, calculateur prodige capable de faire des divisions de nombres premiers jusqu’à la soixantième décimale, en imagerie cérébrale. Il a le même cerveau que nous. Mais il l’utilise complètement différemment. Imaginez que le problème mathématique soit une bouteille lourde. Les extraordinaires sont capables de la soulever, car ils savent utiliser toute leur main, alors que le commun des mortels ne sait mobiliser que son petit doigt. C’est la même chose avec un casse-tête : nous n’utilisons que la mémoire de travail — qui correspond au petit doigt –, alors que les calculateurs prodiges, eux, utilisent la main entière, parvenant du coup à soulever des poids cognitifs impensables. Grâce à l’imagerie cérébrale, on sait qu’Alexis Lemaire ou Rüdiger Gamm utilisent leur mémoire épisodique, fondée sur la spatialisation. Une sorte de carte graphique du cerveau, très très très puissante. On l’utilise tous pour savoir où on a garé sa voiture, mais très peu de gens y ont recours pour calculer mentalement.
En théorie, on peut tous devenir extraordinaires ?
Oui. Le message c’est : Moi aussi, je peux le faire. Le cerveau est un diamant brut, et on peut le tailler. Il y a autant de différence entre leur cerveau et le nôtre qu’entre un diamant brut et un diamant taillé. Il appartient à chacun de tailler son diamant. Mais vous ne pouvez pas passer cinquante mille heures à vous entraîner sur quelque chose dont vous n’êtes pas raide dingue. C’est plus encore qu’une addiction, c’est de l’amour. Et de l’art.